La démission de Nicolas Hulot 

« Bilan d’un ministre démissionnaire, et perspectives pour son (sa) successeur (se) »

« Sciences et Avenir », le 28 août 2018

Nicolas Hulot : bilan d'un ministre démissionnaire, et perspectives pour son (sa) successeur(se)


Par Loïc Chauveau le 28.08.2018 à 09h13


Nicolas Hulot a annoncé son départ du gouvernement le 28 août 2018. 


Il laisse de nombreux dossiers en cours de traitement. 


Mais le Ministère traite de sujets structurants qui dépassent la durée des législatures et la longévité des ministres.

Source image : « Sciences et Avenir » du 28 août 2018
Source image : « Sciences et Avenir » du 28 août 2018

Après l'annonce surprise de sa démission du gouvernement d'Edouard Philippe ce 28 août 2018, Nicolas Hulot laisse de très nombreux dossiers en suspens, dont beaucoup sont stratégiques. 


Le Ministère de l'environnement est en effet devenu au fil des décennies un énorme paquebot embarquant les transports, l'énergie, la biodiversité et des pans entiers de l'agriculture et de l'industrie. 


Souvent assailli par le doute - en s'en défendant tout autant - Nicolas Hulot aura tenu plus d'un an contre vents et marées pour tenter d'imprimer sa marque. 


Avec quelques réussites. 


Ainsi, dans la colonne des missions accomplies, le ministre démissionnaire laisse surtout un plan climat très axé sur les plus défavorisé, 

la loi votée en décembre 2017 interdisant tout nouveau projet d'exploitation d'hydrocarbures sur le territoire national... 


Mais son (sa) successeur(euse) que devront désigner Emmanuel Macron et son Premier ministre aura beaucoup d'autres dossiers épineux à gérer.





La programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE)


Les orientations du gouvernement en matière d'énergie passent par cette programmation qui va couvrir la période 2019-2023. 


Elle donne des objectifs de développement des filières énergétiques. 


La loi de transition énergétique a donc déjà acté 

la baisse du nucléaire à 50% de la production électrique, 

le développement des énergies renouvelables 

et la fin du charbon en 2022. 


La PPE doit désormais "mettre en musique" ces objectifs. 


Après la période de concertation qui a été conduite à la fin 2017 et un débat public dont les conclusions doivent être remises très prochainement, l'administration est en train de peaufiner le texte qui sera mis en consultation à la fin de l'été pour une adoption à la fin 2018. 


Celui ou celle qui succèdera à Nicolas Hulot ne devrait donc pas y changer une virgule. 


Par ailleurs, la stratégie nationale bas carbone (SNBC) qui donne 

les orientations stratégiques de réduction des émissions pour tous les secteurs d'activité 

doit également être revue pour la fin de l'année.





La fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim


La PPE, qui acte la réduction de la part du nucléaire dans le mix énergétique français, doit donner précisément les noms des réacteurs qui devront fermer autour de la fin de la prochaine décennie. 


C'était du moins le souhait de Nicolas Hulot, contre l'avis d'EDF qui n'envisage aucune fermeture avant 2029. 


Le Ministre a tenté de mettre au pas un électricien national qui a tendance à se considérer au dessus du pouvoir politique. 


Que pourra faire son successeur pour faire comprendre que la politique énergétique se décide chez le ministre ? 


Pour la centrale de Fessenheim (Haut-Rhin), la fermeture est déjà actée depuis 2015. 


Et c'est le secrétaire d'Etat Sébastien Lecornu qui est en charge du dossier. 


Il a déjà entamé les concertations avec les employés, élus et riverains de cette centrale d'Alsace.





Les négociations "climat"


En décembre 2018, à Katowice (Pologne), la 24e conférence annuelle de l'ONU sur les changements climatiques (COP24) devra concrétiser l'Accord de Paris adopté en décembre 2015. 


Il s'agit de 


finaliser le cadre technique dans lequel vont s'inscrire les objectifs des Etats en matière de réduction des gaz à effet de serre, 


de concrétiser le "fonds vert" destiné à aider les pays en voie de développement à entrer dans la transition énergétique, 


et de formaliser le suivi quinquennal de l'action des Etats signataires. 


Ce rendez-vous en Pologne constitue donc une étape cruciale pour ancrer l'Accord de Paris dont Nicolas Hulot entendait rendre les attendus irréversibles. 


A son bilan, Nicolas Hulot peut se targuer -avec son secrétaire d'Etat Sébastien Lecornu- d'avoir supprimé des obstacles au développement des énergies renouvelables (délais d'instruction, limitation des recours administratifs) 


et donné plus de visibilité au développement de l'énergie photovoltaïque. 


Il a également donné son feu vert au développement de l'éolien offshore.


La feuille de route de l’économie circulaire


Cette feuille de route a été remise au Premier ministre Edouard Philippe le 27 avril 2018. 


Elle liste les actions nécessaires pour 


consommer moins et mieux, 


réduire les gaspillages, 


allonger la durée de vie des produits et leur réparabilité, 


augmenter les taux de recyclage, 

réduire drastiquement les volumes de déchets, etc. 


Parallèlement, la Commission européenne, les Etats membres et le Parlement européen élaborent conjointement une nouvelle directive sur l'économie circulaire.





La concertation sur les pesticides


Nicolas Hulot avait boudé la restitution des "Etats généraux de l'alimentation" qui se sont tenus de septembre à décembre 2017 mais n'actait pas selon lui la nécessaire mutation agricole qu'il appelait de ses vœux. 


L'ancien ministre avait cependant obtenu en janvier 2018 


avec Agnès Buzyn, ministre de la santé, et Laurent Travert, ministre de l'Agriculture 


une concertation sur les propositions de plans d'action sur la réduction des produits phytosanitaires. 


Ce plan entend 


réduire rapidement l'usage des substances les plus préoccupantes (dont le glyphosate d'ici trois ans), 


accélérer la recherche sur les substituts aux produits chimiques 


et favoriser l'adoption par les agriculteurs des solutions agronomiques. 


La FNSEA a de son côté fait des propositions de substitution des produits chimiques qui paraissent acceptables pour la profession, mais refuse tout abandon d'un pesticide s'il n'y a pas de solution de remplacement.





Le développement des énergies renouvelables


Le ou la nouvelle ministre devra poursuivre l'action conduite par Nicolas Hulot pour supprimer les obstacles au développement des énergies renouvelables. 


Des propositions sont ainsi déjà sur la table pour 


réduire les délais administratifs des permis de construire, 


contenir les contentieux juridiques 


ou mieux intéresser financièrement les communes qui s'équipent en énergies renouvelables. 


Le dossier est aujourd'hui piloté par Sébastien Lecornu et ne devrait pas connaître d'aléas dû au changement à la tête du ministère.





Protéger la biodiversité


Nicolas Hulot l'avait dit haut et fort, notamment lors de ses voeux en janvier 2018 : il entendait agir tout au long de l'année 2018 pour la protection de la nature. 


Si l'abandon de l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes a constitué une victoire en la matière, 

le principe ERC pour "Eviter-réduire-compenser " reste trop souvent bafoué.


Il s'agit en effet d'éviter en premier lieu qu'un aménagement détruire la nature et ce n'est que parce qu'on ne peut éviter les destruction qu'on doit les réduire. 


Et les espaces détruits doivent être compensés par la création ou la réhabilitation de nouveaux espaces naturels. 


De très nombreux projets d'aménagements sont contestés sur le territoire national parce qu'ils détruisent des zones naturelles ou agricoles comme par exemple le projet de centre commercial géant Europacity dans le Val d'Oise, ou encore le Center parcs de Roybon dans l'Isère.


En avril 2018, choqué par une publication scientifique démontrant une baisse d'un tiers du nombre d'oiseaux sur le territoire français, Nicolas Hulot a lancé un plan pour la biodiversité renforçant la protection des zones naturelles et visant à la fin de l'artificialisation des sols d'ici quelques années. 





La Défense des animaux


En août 2017, Nicolas Hulot a annoncé être favorable à la création d'un groupe de réflexion sur le "bien être animal". 


Mais le projet est resté au stade de la réflexion. 


Il avait pourtant annoncé lors de ses voeux à la presse en janvier 2018 que la condition animale devait être l'un des thèmes forts de l'année, " même s'il est épidermique " et cela afin " de construire la solidarité entre les humains et les autres êtres vivants ".




L’accélérateur national d’innovation sociale


Attaché à son passé associatif, Nicolas Hulot entendait accentuer le caractère social de son action écologique. 


Le "French impact" est une initiative destinée 

à identifier et financer les projets sociaux innovants, 


et notamment l'économie sociale et solidaire, 


la consommation responsable, 


les coopératives énergétiques qui font partie du périmètre du ministère. 


En avril 2018, Nicolas Hulot avait par ailleurs lancé l'opération "mon projet pour la planète". 


Il s'agit de mettre en avant les initiatives citoyennes en faveur 


des énergies renouvelables, 


de l'économie circulaire 


et de la protection de la nature.